Organisons enfin notre système de santé autour du patient !

Les enjeux d’efficience et de qualité du système de santé légitiment l’apparition de nouveaux acteurs « maitres d’œuvre » d’une prise en charge globale et coordonnée d’une pathologie dans une filière organisée.

A la lecture des programmes santé des principaux partis politiques, nous voyons, enfin, quelques velléités d’infléchir l’hospitalo-centrisme dans notre pays en ouvrant l’hôpital vers la ville et rapprochant les structures médicales et médico-sociales. Bonne nouvelle ! mais rien de très concret et de très révolutionnaire dans les mesures annoncées : plus de maisons de santé, de structures de suite, la poursuite du déploiement du Dossier Médical Partagé (*) qui est un vrai serpent de mer et de la télémédecine.

Rappelons d’abord que la santé ne se réduit pas à la seule prise en charge de la maladie. La prévention est un axe de progrès majeur cité par les candidats à la Présidentielle. La Scripps Clinic, organisation très réputée à San Diego avait estimé, il y a déjà plus de 20 ans que sur 100€ d’économie, 10 proviendrait d’une plus grande rationalisation du système de soins, 20 à 30 d’un changement de comportement des prescripteurs… et 60 à 70 d’un changement de notre propre comportement vis-à-vis de notre capital santé. En d’autres termes, le rendement d’une action de sensibilisation sur une saine diététique et une bonne hygiène de vie expliquée dès la maternelle ou le primaire serait probablement bien supérieur, à une réorganisation en profondeur de nos chers hôpitaux. Et ces derniers en auraient pourtant bien besoin ! Il est vrai que l’horizon de résultats escomptés n’est pas le même entre ces deux actions.

Que voudrait dire « replacer le patient au centre d’une filière coordonnée » versus continuer à « siloter » son parcours dans différentes organisations, sous différentes gouvernances et différentes enveloppes budgétaires non fongibles entre elles ? Prenons un exemple concret : la prévention et la prise en charge de la chute chez la personne âgée, générateur de couts très importants et de rentrée anticipée en dépendance.

Imaginons qu’une Agence Régionale de Santé lance un appel d’offres sur une région en forfaitisant le prix de l’ensemble de cette prise en charge pour un patient et en choisissant un opérateur pour assurer « la maitrise d’œuvre » de ce parcours. Cet opérateur commencerait par le ciblage et la prévention (repérage des situations à risque avec l’aide du réseau de la CNAV et des médecins traitants, équipement du domicile, cours de posture et d’équilibre, examens d’ostéodensitométrie, ….), puis si chute il y a, entrainant des conséquences hospitalières, la prise en charge de l’opération dans une structure chirurgicale via un passage aux urgences suivi d’un séjour « coordonné » dans un établissement de SSR (**), puis le retour à domicile avec les prestations d’accompagnement de séances de kinésithérapie et d’aide domestique (repas, hygiène, …) si la personne vit seule. Dans l’état actuel du système, toute cette chaine repose sur une multitude d’acteurs qui ne se coordonnent pas entre eux, ou très partiellement et qui sont financées par des enveloppes séparées.

Le forfait « prévention » serait gagé sur l’économie en moindre prévalence de soins qui en résulterait. Le forfait « prise en charge des soins et des suites » serait estimé sur l’agrégat des couts actuels des séjours aigus (MCO), de suite (SSR), et d’autres prestations à domicile, diminué d’un facteur représentant l’économie « d’interfaces » et de redondances de prestations entre les différents intervenants qui seraient rétribués par l’opérateur. Pour inciter ce dernier à jouer pleinement son rôle de « maitre d’œuvre », on peut imaginer de lui verser une partie de l’économie résultante d’une meilleure coordination. Cet opérateur pourrait être, dans cet exemple, un réseau de prise en charge d’une filière gériatrique.

Sur d’autres pathologies et notamment la prise en charge du cancer, des diabètes, … , des parcours transversaux organisés : PPS, RCP,…(***) et des réseaux existent, mais la logique n’a jamais été poussée jusqu’au bout dans une approche aussi globale et responsabilisante pour l’opérateur qui devra assumer le risque de voir ses couts réels dépasser les forfaits. La prise en charge d’un volume suffisant de cas simples et plus compliqués sur une région donnée pourrait maîtriser ce risque.

Donnons-nous enfin, dans cette nouvelle mandature, les moyens à l’échelle des enjeux, de réorganiser notre système de santé autour du patient et arrêtons de faire de la cosmétologie.

Article rédigé par Stéphane Vivet, Associé Opérationnel de PremiumPeers

(*) cf. article paru dans la rubrique » Idées », Les Echos le 27/02/2006 «Plaidoyer en faveur du Dossier Médical Personnel»
(**) Soins de Suite et de Réhabilitation
(***) PPS : Plan Personnalisé de Soins / RCP : Réunion de Concertation Pluridisciplinaire